Où fait-on le meilleur couscous ?
Publié le 29 mars 2018 à 17h00 — Par Laurent De Saint Perier
Laurent de Saint-Périer est journaliste spécialiste du
Maghreb/Moyen-Orient, couvrant notamment la Syrie, l'Égypte et l'Iran. Il est
aussi spécialiste du Gabon.
À cette question insolemment conflictuelle, la réponse est
invariable, que l’on soit Algérien ou Tunisien, Berbère de Fez ou Arabe de
Casablanca : « Dans la cuisine de ma mère ! ».
Tribune. Plus qu’un plat succulent, la dune de blé concassé
servie sous une cascade de bouillon ocre – les légumes que la saison a donnés
au potager et son ragoût, de viande si l’on est de la terre ou de poisson si
l’on est de la mer – est une communion, souvent pratiquée le jour sacré du
vendredi. Pour le gastronome international, le couscous est le symbole
culinaire du Grand Maghreb, jusqu’à ses franges de l’Est libyen, où la cuisine
du riz supplante celle de la semoule, et du Sud mauritanien, où la culture du
blé s’efface devant celle du mil et du sorgho.
Culture et rituels
En janvier 2017, le cyberespace maghrébin bouillonne. « Le
dossier du classement du couscous au patrimoine universel est un projet commun
aux pays du Maghreb », déclare l’Algérien Slimane Hachi, directeur du Centre
national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques
(CNRPAH). Plus précisément, il s’agit de présenter une candidature à
l’inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
L’idée de classer la graine a germé à Bali, en 2011, lors d’une réunion du
comité du patrimoine immatériel de l’Unesco.
Dans la galaxie
couscous, la graine est un microcosme où se marient histoire et géographie,
héritages familial et social
En 2017, la presse avait parlé d’un dossier commun aux trois
pays du Maghreb central, Tunisie, Algérie et Maroc, mais Hachi confirme qu’il
fédère aussi la Libye et la Mauritanie. Les cinq États de l’introuvable Union
du Maghreb arabe (UMA) rassemblés autour du plat du partage.
« Il ne s’agit pas de faire reconnaître une simple recette,
détaille-t‑il, mais un facteur essentiel de commensalité, une véritable culture aussi ancienne que vivante, les formes
de rituels qui s’y rattachent et se transmettent dans le secret des cuisines
familiales, sa place au cœur des célébrations, tout ce qui définit le
patrimoine immatériel. »
« Dans la galaxie couscous, la graine est un microcosme où
se marient histoire et géographie, héritages familial et social. Un ADN
étonnant composé de désirs et ratés, d’actes manqués ou achevés, de sentiments
et de morales qui se perpétuent de génération en génération », écrit Nadia
Hamam dans Les Mondes du couscous (Encre d’Orient, 2010).
Un dossier de candidature à l’Unesco
Si l’idée de l’Unesco a déjà bien levé, le dossier de
candidature n’est pas encore constitué, et il faudra sans doute des années pour
obtenir le classement. L’intitulé de la candidature est encore débattu par les
experts : faut-il inscrire la « tradition du couscous maghrébin » ? Celle des «
couscous du Maghreb » ? Car si le principe, qui remonterait à l’Antiquité, est
le même, le Maghreb compte au moins autant de recettes de couscous que de
cuisines et autant de variantes que de climats et de saisons. Il y a le
couscous noir à la graine d’orge du paysan, le couscous des villes, moins gras
et épicé, le couscous rustique des bords de route, le couscous salé, le
couscous sucré, le couscous sucré-salé de l’aristocratie fassie. Au chameau, il
était, dit-on, le plat favori de Kadhafi.
La cause, sensuelle et sensible, compte autant de chapelles
que de cuisines, et l’enthousiasme partagé peut tourner au chauvinisme. Sur
Facebook, Malika D. interpelle la directrice de l’Unesco, Audrey Azoulay,
d’ascendance marocaine : « Le couscous était un aliment de base de la
population amazighe depuis des millénaires. La notion de “Maghreb” est
d’étymologie arabe. Le couscous ne peut donc être qualifié de maghrébin par
l’Unesco. »
Une graine semée au-delà des frontières du Maghreb
Source
http://www.jeuneafrique.com/mag/543089/culture/ou-fait-on-le-meilleur-couscous/
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